• 25 novembre 2015 – 9h30 / 17h
• Poitiers, site Malraux, amphi Debré
34 rue du jardin des plantes
• Entrée libre – Ouvert à tous
Programme
Présentation des travaux de Roberto Zaugg et des recherches sur les litiges commerciaux
• Johann Petitjean (maître de conférences en Histoire moderne, Université de Poitiers)
Mon intervention consistera à présenter de manière détaillée les travaux réalisés par Roberto Zaugg dans le cadre de son doctorat. Il s’agira de faire le point sur une recherche novatrice, dont les principaux résultats ont été réunis dans un ouvrage publié en 2011 chez Viella sous le titre Stranieri di antico regime : mercanti, giudici e consoli nella Napoli del Settecento. Je commencerai par dresser un bilan historiographique qui me permettra notamment de souligner de manière claire les enjeux, intellectuels, épistémologiques, politiques presque, de cette manière de faire de l’histoire, en montrant notamment combien la question du statut et de la place des « étrangers » au sein des configurations socio-juridiques, et particulièrement à l’époque moderne et, tout aussi particulièrement, en Méditerranée, participe du renouvellement profond des études urbaines, de l’histoire sociale, de l’histoire du droit et de la justice également, ainsi que de la diplomatie. En sus de résumer les apports et donc les conclusions de l’ouvrage, j’insisterai sur les sources de ce travail, ainsi que sur les méthodes employées par l’auteur, ce qui devrait me permettre de faire dialoguer son analyse avec d’autres travaux importants, dont la discussion a très fortement sinon polarisé du moins structuré la réflexion et les échanges parmi les modernistes, et en particulier dans le champ des études méditerranéennes. Je pense ici en particulier aux travaux de Simona Cerutti sur les étrangers et la justice sommaire, ainsi qu’à ceux d’Avner Greif sur les institutions et le commerce d’ancien régime. Je souhaiterais également profiter de l’occasion pour vous présenter des chantiers en cours, auxquels du reste je participe directement, qui partent des archives diverses (et complexes) produites par les litiges commerciaux afin d’arriver à une meilleure connaissance des réseaux, des conflits, des configurations juridiques, des négociations, des relations interculturelles, du commerce, de la communication, de la négociation, de l’administration, des cultures juridiques des acteurs, des phénomènes d’hybridation, notamment sur le plan juridique, ou encore de la manière dont les acteurs envisagent les institutions et leur rapport, négocié souvent, aux institutions et, dans le cadre précis de la résolution de conflits d’ordre commercial, y font, sous certaines conditions, leur marché.
Les capitaines de navires étrangers en escale au « pays des Isles » de Saintonge (1634-1715)
• Marie Cloutour (doctorante, Université de Poitiers)
Le littoral saintongeais reçoit au cours du XVIIe siècle de nombreux navires étrangers. Il s’agira donc d’aborder les escales de ces équipages étrangers à travers les comptes du Sund qui nous permettront une approche quantitative de ces escales.
Nous axerons cette communication autour de trois axes : tout d’abord, il faudra effectuer une présentation quantitative du corpus que nous avons mobilisé. L’objectif ici étant principalement de mettre en avant les mouvements de ces navires étrangers et, entre autre, leur cargaison. Ensuite, nous effectuerons une « distribution géographique » de ces capitaines de navires à travers leur origine géographique en effectuant une répartition par pays des capitaines de navire faisant escale à Brouage, Oléron et dans la rivière de Seudre. Le troisième point sera consacré à l’identification des sites de cayennes, endroit où séjournent les marins en escale à travers les cartes anciennes levées par Claude Masse et par Fondmarin.
Les colons de Saint-Domingue aux États-Unis et en France (1791-1804) : exilés, réfugiés, étrangers ?
• Corentin Arial (doctorant, Université d’Angers)
À partir de 1791, un flot considérable de colons de Saint-Domingue déferla sur le continent nord-américain et en métropole, fuyant la guerre civile. Anciens colons ayant perdu leurs plantations, mais aussi petits commerçant, artisans, fonctionnaires civils et militaires, tous quittèrent leur île contre leur volonté, presque toujours définitivement. Cette communication s’attache à montrer comment ces colons purent se redresser, parfois avec difficultés. La réussite de leur intégration s’appuie sur la reconstruction d’une communauté à la fois diverse et unie. Si le groupe de colons reconstitue aux États-Unis certaines spécificités du monde colonial, il doit les abandonner en France et apprendre à s’insérer dans une nouvelle société forgée par la Révolution française qui lui est étrangère.
• Valentin Rondeau (doctorant, Université de Poitiers)
1577. La France installe un consulat à Tunis par lettres patentes du roi Henri III. Le consul (ou vice-consul en charge de la gestion du consulat), le chancelier, un ou deux agents des compagnies du Corail et du Savon, les patrons de navires de passage à La Goulette et certains religieux étaient les seuls Français de l’Echelle présents à la fin du XVIe siècle. Installés à Tunis et sur les littoraux de la Régence, les nationaux étaient confrontés aux soubresauts politiques locaux et à une activité corsaire qui battait son plein. Avanies et emprisonnements étaient monnaie courante.
Sur le plan commercial, l’activité lucrative des négociants marseillais en charge des compagnies du corail pouvait se trouver menacée par les activités des Barbaresques ou par celle des corsaires chrétiens qui poussaient les autorités tunisiennes, le divan des janissaires en tête, à prendre des sanctions.
C’est parce qu’il devait veiller à la protection des intérêts commerciaux du royaume que le consul eut à mener une véritable action de diplomate en parlementant avec les autorités locales où régnait un flou administratif, d’une part (entre le pacha représentant l’autorité du sultan et le dey incarnant la véritable autorité politique à Tunis), et en interpellant ses supérieurs hiérarchiques de la métropole, d’autre part. D’ailleurs, il s’agissait pour le consul de rendre des comptes à la fois aux ligueurs marseillais qui contrôlaient le commerce avec la Régence, et à la Cour d’Henri IV, étant donné son statut d’agent du roi.
Pour veiller à la sûreté des « nationaux », les rapports avec les janissaires, le pacha et le dey étaient quotidiens. Il s’agissait pour le consul d’apaiser les tensions, de contribuer au rachat ou à l’échange de prisonniers et de garantir le remboursement de prêts contractés par des Français auprès de janissaires tunisiens. Pour mener ces actions diplomatiques, le consul pouvait jouir ou pâtir de la présence de négociants français fréquemment réunis en assemblée « dans la maison d’habitation du consul » (le Fondouk n’étant pas encore construit à la fin du XVIe siècle). De même, des envoyés de l’ambassade de France pouvaient venir sur place afin de faire valoir les Capitulations et pour signer des traités spécifiques contribuant à la défense des intérêts français à Tunis.
La communauté française de Tunis de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe : composition et éléments fédérateurs
• Olivier Guesdon (doctorant, Université de Poitiers)
Depuis le XVIe siècle, une communauté de marchands français à Tunis est institutionnellement organisée dans le cadre de la nation. Celle-ci est représentée par le consul et les marchands ont l’obligation de suivre un règlement spécifique, tant sur leur lieu de résidence que sur leur commerce. Toutefois, entre la norme et la pratique, l’écart s’accroit progressivement. La communauté se diversifie de plus en plus avec l’installation d’artisans. Les membres de la nation s’intègrent de plus en plus dans la cité tunisienne, sans abandonner pour autant leur complexe de supériorité par rapport au pays hôte. D’autres individus ne rentrent pas dans le cadre légal définissant l’appartenance à la nation et leur étude en est aujourd’hui complexe. Enfin, les consuls apparaissent de plus en plus comme des éléments centraux des nations, ayant plus qu’un rôle de régulateur, celui de représentant. À la fin du XVIIIe siècle, dans le cadre des épisodes révolutionnaires en métropole, on ne peut que s’interroger sur les éléments qui permettent de fédérer une communauté hétérogène dans un espace littoral étranger et cosmopolite.
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François Brizay
francois.brizay@univ-poitiers.fr