Devoir d’oubli et résistances mémorielles de la société

Le devoir de mémoire est une notion au cœur du discours et des problématiques historiennes récentes, or cette posture est à reconsidérer ; il y eut des périodes où le pouvoir promouvait le devoir d’oubli, notamment à la fin des guerres de Religion. Comment la société dans sa diversité a-t-elle reçu ce commandement royal impérieux au cours du XVII^e siècle ?

Le questionnement inverse les postures couramment admises et met en tension le devoir d’oubli prôné par le pouvoir et les réponses de la société travaillées par un devoir de mémoire aux manifestations multiples telles que les cérémonies commémoratives, les fêtes, les sermons, les émotions, des violences collectives ou des assassinats justifiés par les engagements passés des victimes. Au croisement des décisions royales globalisantes et des études locales et parfois micro-historiques, cette recherche conduite depuis plusieurs années à l’échelle nationale veut mieux saisir la complexité de la société française et les rapports qu’elle entretient avec la mémoire de la guerre civile qui la divisa durant deux générations de 1560 à 1598.
En cela, le questionnement rejoint des situations vécues par des sociétés à l’époque contemporaines (Espagne, péninsule balkanique, Rwanda…)

Les officiers « moyens » à l’œuvre ou l’Etat royal en action

Au cours des XVI-XVIII^e siècles, le pouvoir royal a conduit une politique de création d’un appareil d’État incarné dans des officiers. Au sein de cette société, les officiers « moyens » membres de compagnies bien identifiées – les présidiaux, les cours sénéchales- constituent la partie principale de l’armature étatique dans les villes de province autres que les villes de parlement. Leur importance quantitative et politique est indéniable et bien connue. En revanche, leurs références culturelles sont largement méconnues. Une enquête sur les pratiques professionnelles et les savoirs des officiers « moyens » est en cours, à l’échelle du royaume et durant le XVII^e siècle entre la fin du mouvement humaniste et les débuts des académies au XVIII^e siècle.

La recherche est donc double : elle s’adosse aux institutions de la monarchie saisies dans l’enceinte des tribunaux ; elle cerne la culture d’hommes qui furent de fidèles soutiens fidèles du pouvoir au XVII^e siècle (ils ne s’engagent pas dans la Fronde).
La recherche veut brosser un portrait collectif de ces hommes de pouvoir toujours mal connus alors qu’ils firent infuser la monarchie et l’État royal dans les provinces au cours du XVII^e siècle.